Vendredi Saint
Comme Marie et saint Jean, nous sommes là, au pied de la croix où Jésus meurt, abandonné des siens et raillé par la foule. N’est-il pas essentiel pour le chrétien d’être présent dans les lieux de souffrance, dans les lieux de déréliction, d’abandon ?
Où serait l’Église de Jésus Christ, elle-même Corps du Christ, si elle n’était pas là d’abord ? Je crois qu’elle meurt de ne pas être assez proche de la croix de son Seigneur. Si paradoxal que cela puisse paraître, et saint Paul le montre bien, la force, la vitalité, l’espérance chrétienne, la fécondité de l’Église viennent de là. Pas d’ailleurs ni autrement.
Car il s’agit bien ici d’amour, d’amour d’abord et d’amour seul. Une passion dont Jésus nous a donné le goût et tracé le chemin : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15, 13).
Donner sa vie, cela n’est pas réservé aux martyrs ou, du moins, nous sommes peut-être appelés à devenir des martyrs – témoins du don gratuit de l’amour, du don gratuit de sa vie. Ce don nous vient de la grâce de Dieu donnée en Jésus Christ. Et comment traduire ce don, cette grâce ?
Dans chaque décision, dans chaque acte, donner concrètement quelque chose de soi-même : son temps, son sourire, son amitié, son savoir-faire, sa présence même silencieuse, même impuissante, son attention, son soutien matériel, moral et spirituel, sa main tendue… sans calcul, sans réserve, sans peur de se perdre.
Bx Pierre Claverie
Dominicain, nommé évêque d’Oran, Pierre Claverie († 1996) a fait le choix de demeurer en Algérie au péril de sa vie. Assassiné en 1996, il a été béatifié avec dix-huit autres martyrs de l’Algérie, le 8 décembre 2018. / Dans Benoît Vandeputte, Trésors de la prédication, Paris, Bayard, 2008, p. 538-539.